31 janvier 2007

Matraquage

Dans la presse gratuite distribuée à la sortie du RER, Economie Matin. Un hebdomadaire tout à la gloire du modèle économique libéral. Un exemple parmi tant d'autres, cet article d'un certain "Jacques Bonjawo, PDG de Genesis Ft, Consultant chez Microsoft."

Je cite :

Une étude inédite de l’Institut mondial de recherche sur l’économie du développement de l’université des Nations Unies l’affirme : la moitié de la richesse mondiale serait détenue par les 2 % les plus riches. Cette même étude montre qu’en 2000 le 1 % d’adultes les plus riches du monde possédaient à eux seuls 40 % des biens mondiaux. Inversement, la moitié la plus pauvre de la population adulte du monde ne détenait qu’à peine 1 % de la richesse mondiale. Voilà pour les chiffres, de quoi donner le vertige. Ainsi est-on tenté, dans chaque pays, d’appeler l’État au secours pour une « meilleure » répartition de la richesse nationale. D’où, souvent, l’apparition d’une politique de prélèvement accru de l’impôt suivi d’une redistribution, onéreux frais de fonctionnement à la clé. En réalité, aussi bien intentionnée soit-elle, cette démarche se révèle pour le moins simpliste et conduit très souvent à un ralentissement, sinon à une stagnation de la croissance. Répétons-le ici. Ce ne sont pas les pouvoirs publics qui créent la croissance économique, mais les entreprises, à travers leurs investissements. Une entreprise investit la part de revenus que lui laissent le fisc et la sécurité sociale. Les pays qui connaissent une forte croissance économique et des taux de chômage faibles sont simplement ceux où les impôts et les charges sont faibles, et les réglementations souples. Voilà tout. Il faut rompre avec toute forme de bureaucratie qui sclérose la société en bridant les initiatives individuelles et donner le maximum de liberté à ceux qui travaillent, créent et innovent. Favoriser la recherche et l’entreprise, et établir partout le principe de l’excellence et de la récompense selon le travail.

Sous couvert d'une étude des Nations Unies, le chroniqueur se lance dans un crédo néolibéral assez intéressant : "donner le maximum de liberté à ceux qui travaillent, créent et innovent".

De quelle liberté s'agit-il ?
Liberté de licencier sans motif? Liberté de presser le citron, sans limitation ? Liberté de ne pas contribuer à payer en retour la collectivité (qui forme, qui soigne, qui protège) en plaçant son argent ailleurs ?

Et "ceux qui travaillent, créent, innovent" ? Rien de très créatif dans les agissements ci-dessus. Rien de très innovateur. Nos patrons (pas tous, certains... d'autres plus rares sont aussi plus intelligents et considèrent à juste titre les individus qu'ils emploient comme une richesse) n'ont de cesse de demander de pouvoir licencier plus facilement, de payer moins de charge (voire, mais là avec moins de superbe, de bénéficier de quelque aide publique en faisant semblant de faire travailler moins leurs gens...)

Et on parle de réhabiliter le travail... comment ? en exemptant de droits ceux qui héritent de la richesse de leurs parents sans travailler ? en exemptant d'ISF ceux qui spéculent en bourse (enfin, ceux qui font spéculer leur banquier pour eux) ?

Ceux qui travaillent vraiment dur, qui se lèvent tôt pour aller travailler en CDD ou en intérim, avec parfois le couperet du CNE au-dessus de leur tête, qui survivent plus qu'ils ne vivent car ils ne trouvent plus de logements dans leur budget... doivent se demander de quel droit une certaine population de privilégiés souhaite s'assimiler à eux.

S'ils décident d'aller voter, c'est certainement pas M. de Petit Botcha qui aura leurs voix...

29 janvier 2007

Kassé ça...

Je zappe un peu l'actualité ces derniers temps, j'ai quand même vu Mme Leerdammer causer créole à la télé, oh, pas longtemps, mais c'est sûr que les ennemis de l'anti-France qui grouillent à l'UMP n'ont pas pu rater ça, quelle horreur, elle parle patois (François Bayrou tanben, mes n'ei pas lo medish...)

Alors, ils y sont allés de leur parfaite mauvaise foi, et on en arrive à cette dépêche de l'AFP...

POINTE-A-PITRE (AFP) - Le député de la Guadeloupe et secrétaire national du PS aux DOM-TOM, Victorin Lurel, s'est déclaré dimanche "scandalisé par l'exploitation éhontée, par l'UMP, de la traduction inexacte d'une expression créole", utilisée la veille par Ségolène Royal. Dans une déclaration faite à l'AFP à Pointe-à-Pitre, par téléphone depuis son fief électoral de Vieux-Habitants où il se trouvait dimanche avec Mme Royal lors d'un rassemblement de militants du PS, M. Lurel a affirmé qu'il était "scandaleux que l'expression créole +nou ké cassé ça+ ait été traduite par +nous allons tout casser+". Il s'est élevé contre les affirmations de l'UMP selon lesquelles Mme Royal envisagerait de "casser la République". "Nou ké cassé ça, ça veut dire que nous allons changer ça", a ajouté M. Lurel, qui a précisé qu'une chanson créole connue reprenant cette expression avait été diffusée à l'issue du meeting de Mme Royal samedi aux Abymes. Dimanche, les porte-parole de l'UMP Valérie Pécresse et Luc Chatel ont dénoncé dans un communiqué les propos de Mme Royal, lui reprochant de vouloir "tout casser, y compris la République", durant son déplacement "pêche aux voix" en Guadeloupe. Dans un communiqué publié dans la soirée, M. Lurel affirme que "l'UMP ne connaît rien aux départements antillo-guyanais". « C'est faire preuve d'ignorance et d'inculture crasse que de faire croire que le mot "kacé sa" en créole veut dire "casser la République" alors que cela veut dire "changer les choses"», écrit le dirigeant PS ultramarin. Il estime «candaleux que l'UMP qui, cinq ans durant, a abandonné l'Outremer, qui a tout cassé au sens premier du terme et tout abîmé, n'a pas financé le logement social, a fait perdre 600 millions d'euros au budget de l'Outremer et, pour tout dire, pratiqué un cartiérisme honteux et un largage insidieux, s'en prenne aujourd'hui à Ségolène Royal. C'est moi, Victorin Lurel, député socialiste et (...) républicain conséquent, soucieux de préserver l'unité de la République, qui utilise fréquemment cette formule très connue sous nos latitudes", ajoute-t-il. Le président du Conseil général de la Guadeloupe, Jacques Gillot, sénateur (app. PS), s'est également, dans un appel téléphonique à l'AFP, élevé "avec la plus grande fermeté" contre la traduction inexacte de l'expression et "l'utilisation odieuse qui en a été faite par l'UMP". Selon le journaliste de l'AFP en poste depuis de nombreuses années en Guadeloupe, l'expression créole "nous ké cassé ça" peut être traduite par "nous allons changer ça" et, dans son acception la plus extrême, par "nous allons entrer en rupture".
Ah, Reuters avait mal traduit, l'AFP aussi... c'est nou kay kassé ça avec un kay qui se prononce kaï, comme dans Bayrou ;-)

27 janvier 2007

Force ennemie

Quelle surprise ! Force Ennemie, trouvé dans le rayon science-fiction de ma bibliothèque municipale est le roman qui a reçu le premier prix Goncourt, en 1903. L'auteur, John Antoine Nau, est tombé dans l'oubli.

Ce livre est étonnant sur bien des aspects : la langue (le style est étonamment proche des traductions françaises de H. G. Wells), la thématique, l'histoire... Je n'ai pas envie de trop vous raconter l'histoire, ne serait-ce que pour vous inciter à la lire vous-mêmes.

Un extrait quand même (venu de ) :
Je prie les amis inconnus qui voudront bien me, ou plutôt nous, lire de ne pas réclamer, d'urgence, mon internement à Sainte-Anne ou dans tout autre asile. Je n'ai collaboré à ce volume que dans les proportions les plus modestes. "Force Ennemie" est en réalité l'oeuvre d'un aliéné à demi-lucide que j'ai pu souvent et longuement visiter et qui me chargea, peu, avant sa mort, de publier sa prose après. Or, mes retouches n'ont porté que sur des détails. Le fond demeure parfaitement insane malgré une apparence de suite dans les idées, C'est peut-être, à mon humble avis, ce qui rendra l'ouvrage curieux, voire intéressant, pour des lecteurs doués de quelque indulgences Je me hâte de déclarer que je n'ai vu, de ma vie, une maison de santé pareille ou seulement analogue à celle dont le vrai auteur nous entretient. Certes, j'ai visité bon nombre de ces établissements, j'ai causé avec force médecins aliénistes, gardiens et gardiennes ; mais je puis jurer que je n'ai jamais rencontré ni un Dr Bid'homme, ni une Céleste Bouffard, ni un Lancier, ni un Barrouge, ni une Aricie Robinet. J'ai toujours vu les déments et démentes bien traités et soignés avec dévouement ou tout au moins avec le zèle convenable. Encore une fois, le livre a été écrit par un fou raisonnant mais sujet à caution. Mon habituelle modestie - encore peu notoire mais que le public aura, je l'espère, mainte occasion d'apprécier dans un prochain avenir, - me pousse à faire aux amis lecteurs une dernière recommandation Quand ils découvriront, par hasard, dans les pages qui suivent, un passage bien écrit, des finesses de pression, une phrase dénotant de la délicatesse de sentiments, de la hauteur morale, - une belle Ame, enfin - qu'ils n'hésitent pas une seconde à m'attribuer le passage, les finesses, la phrase... Quand, au contraire, ils seront choqués par un style bas ou impropre, des idées baroques ou banales des scènes plus ou moins indécentes ou grossières, des longueurs, des platitudes, qu'ils en rendent responsable le mauvais fou, le vilain fou ! Je suis d'autant plus noble et généreux en agissant ainsi que je reconnais, dès lors, la part de travail du défunt et peu regrettable aliéné comme égale aux neuf dixièmes et demi du volume.
J'ai quand même trouvé (ici) quelques infos sur l'auteur, par Catherine Harlé-Conard, les voici :
Au Cimetière Marin de Tréboul repose John-Antoine NAU, le premier des lauréats du Prix Goncourt. Non loin de là, longeant le stade Henri Guichaoua, se trouve la rue qui porte son nom.
C'est en effet à la villa Ker Jeanne, route de Saint Jean, que s'est éteint le poète et romancier, le 17 mars 1918, au terme d'un long voyage commencé sur les rives du Pacifique, 57 ans auparavant, sous le nom d'Eugène TORQUET.

Dans le registre des baptêmes de l'église française Notre Dame des Victoires de San Francisco se trouve inscrit celui d'Eugène Léon Edouard TORQUET, né le 19 novembre 1860, fils de Paul Torquet et de Sophie Petibeau. Ce document dissipe tous les doutes qui traînent encore dans les dictionnaires, anthologies et catalogues. John-Antoine Nau est né citoyen américain ; il l'était encore en 1915, et probablement même jusqu'à son dernier jour.

Ses parents s'étaient mariés dans la même église le 27 février 1858. Leur premier fils, Louis, né en Janvier 1859, était déjà mort quand vint le second. Suivirent encore deux fils : Jules, en Août 1862 qui n'aurait vécu que trois ans et demi ; et Charles, né le 6 mai 1864, qui se fera, lui aussi, un nom en littérature.

Petit-fils de Jean Adrien Torquet, instituteur et clerc de la paroisse de Mesmoulins près de Fécamp ; fils de Jean Pierre Nicolas Torquet, lieutenant de vaisseau retraité, marchand libraire à Bolbec, Paul Pierre Noël Adrien TORQUET y est né le 10 juin 1827. Sa mère, fille d'un enseigne de vaisseau, avait été adoptée par Jean Noël Ambroise Maillard, commis principal de marine au Havre. La mer et les lettres étaient donc inscrites au patrimoine familial.
Aîné des fils dans une fratrie de cinq, il est probable qu'après la mort de son père en 1842, Paul Torquet se sera embarqué très jeune vers des terres lointaines. On est en droit de supposer qu'il sera arrivé en Californie vers 1845, à l'époque où la province était mexicaine, et qu'il aura eu le temps d'y constituer une solide petite fortune, avant que les Américains, à partir de 1848, ne spolient les précurseurs au profit de l'immigration continentale.
Nous ne connaissons que sa dernière situation : ingénieur et actionnaire, il dirigeait une société qui importait des pièces de mécanique et construisait des machines à vapeur, et dont les ateliers, installés à San Francisco au quartier de South of Market, ont subi les dommages d'un incendie en 1863.
Le typhus devait l'emporter en quelques heures le 27 août 1864. Il laissait à sa veuve la recommandation de ramener ses enfants en France pour qu'ils reçoivent l'instruction latine et grecque qui lui avait manqué. Naturalisé américain depuis le 6 novembre 1860, secrétaire de la Société française de Bienfaisance mutuelle (première société d'assurance mutuelle des Etats-Unis), homme de grand bien jouissant de la plus haute estime des san franciscains, il avait, aux dires de son fils, été honoré de funérailles publiques dans une ville endeuillée.
C'est à San Francisco que les parents d'Eugène Torquet s'étaient connus.

Sophie Petibeau avait 15 ans et son frère 14, quand ils sont arrivés, en octobre 1849, en Californie, dans le sillage d'une mère intrépide. Fille d'un receveur de rentes parisien malchanceux, sœur d'un éminent anatomiste et chirurgien, et d'un maître de forges et fondeur d'art de renommée internationale (la statue de Lafayette à Washington a été coulée dans ses ateliers), Anne Charlotte Virginie DENONVILLIERS avait épousé en 1831 Louis PETIBEAU, percepteur à Montlhéry où sont nés, en 1834 et 1835, ses deux enfants. Peu après la mort de son mari survenue en 1839, elle est partie en avant pour New York. Une fois rejointe par les siens, elle s'est lancée avec eux à travers les Etats-Unis dans le grand mouvement de la ruée vers l'Ouest. Pendant quelques années, elle a dirigé une école de jeunes filles à San Francisco ; puis, passant vers 1867 par Eastchester, près de New York, elle est allée ensuite, en pionnière de Colombie britannique, prendre la direction d'un établissement de jeunes filles à Victoria. Pendant ce temps, son fils, naturalisé américain et pharmacien, avait fondé une famille sur place, à San Francisco.

Il aurait été difficile à Sophie Torquet de se mettre en route pour la France avec trois enfants en bas âge. Aussi est-il plus plausible de penser qu'elle se sera attardée à San Francisco, pendant un temps suffisant pour qu'Eugène apprenne les trois langues en usage autour de lui (le français, l'espagnol et l'américain) et qu'il s'imprègne des paysages et de la lumière des bords du Pacifique.
Eugène avait près de 7 ans quand la famille débarqua au Havre, où elle était attendue par de proches parents de son père. Il fut inscrit au Lycée impérial de la ville et il collectionna les nominations pendant ses sept premières années de scolarité. Cet exil lui a laissé des souvenirs lugubres. Pourtant il a bien accepté le remariage de sa mère en 1870 avec Louis Alfred DUCHESNE, médecin en exercice. Dès l'âge de 9 ans, dit-on, il composait des poésies. Mais il a raconté lui-même qu'une audace littéraire l'avait fait exclure de l'établissement, au printemps 1877.
Sans hésiter, Sophie Duchesne s'est alors installée à Paris pour inscrire ses deux fils au Collège Rollin. Au terme d'années de triste mémoire, Eugène en est sorti en 1879 avec son baccalauréat,-seul titre universitaire dont il ne manquait pas de se prévaloir.
Réfractaire à toutes les sciences, qu'elles soient exactes ou naturelles, Eugène Torquet n'avait jamais cessé de montrer de grandes dispositions pour les matières littéraires. Aussi a-t-il été tenté par la fréquentation des Hirsutes, avant de collaborer au Chat Noir dès son premier numéro. Sa famille, inquiète de cet avenir incertain, lui avait trouvé des emplois de bureau auxquels il a dû s'essayer sans succès.-On en retrouve l'évocation dans Le Prêteur d'Amour.

Majeur, prenant sa vie en main, il s'embarque en 1881 en qualité de pilotin, sur un trois-mâts faisant le commerce avec Haïti et les Antilles. Ce rude apprentissage lui a inspiré des récits qui, regroupés par les soins de Jean Royère, ont paru en 1923 sous le titre de Pilotins. Une effroyable tempête, racontée dans Force Ennemie, l'a fait renoncer à la marine à voile. C'est alors qu'il tenta une autre expérience maritime, en se faisant enrôler comme aide-commissaire aux vivres pour un voyage sur le paquebot " La France ", à bord duquel il ne fit pas preuve des capacités attendues : il y fait allusion dans Le Prêteur d'Amour.
Sans perdre le goût des pays lointains, il repart pour un long voyage d'agrément au cours duquel il aurait visité les côtes du Venezuela et celles de la Colombie,-souvenirs qu'il exploitera dans Les Trois Amours de Benigno Reyes. Faisant une dernière escale à New York, il revient en France en quête de son avenir littéraire.

Éternel rêveur, c'est alors que commence sa vie itinérante, à la découverte de nouveaux paysages que, dès qu'il en aura épuisé la veine poétique, il quittera pour d'autres.
À Port en Bessin, en 1883, il fait la connaissance d'André Lemoyne, " inventeur, a-t-on dit, de la veine maritime de la poésie ".
La même année, il s'installe à Asnières, station balnéaire des Parisiens où il retrouve son ami Paul Signac : une huile du peintre, intitulée " les bains Bailet ", datée 1883 et dédiée " à l'ami Gino ", a fait l'objet d'une vente publique en l'année 2000. À Asnières encore, Eugène Torquet rencontrera Henriette DIEUDONNÉ, avec laquelle il se mariera en juillet 1885 et qu'il emmènera en voyage de noces à la Martinique, avec l'espoir d'y rester. Un malheur dans la famille d'Henriette les a obligés à revenir en France au printemps 1886. Jamais Eugène Torquet ne pourra retourner en Martinique, autrement qu'au travers de ses écrits.

La trace de ce couple inséparable a été relevée par Jean Royère dans la préface de Thérèse Donati,-roman de John-Antoine Nau paru en 1921. Certaines des étapes méritent d'être mentionnées.
Au cours d'un long séjour à Piriac, sur l'estuaire de la Loire, Eugène Torquet entre en relation avec Dominique Caillé, avocat nantais érudit d'histoire littéraire et poète, vice-président de la Société académique de Nantes et de Bretagne.
De son passage aux Sables d'Olonne, il a restitué le paysage dans La Gennia.
Une fièvre typhoïde déclarée à Fleury sur Andelle lui a valu une convalescence au Lavandou, au cours de laquelle il a trouvé l'amitié du peintre Henri-Edmond Cross.

À Pontoise, sa mère est venue séjourner chez eux et les a suivis à Carteret,-villégiature de prédilection où Eugène Torquet et sa femme viendront à plusieurs reprises, en alternance avec des séjours hivernaux en divers lieux d'Espagne : Malaga, Soller, Barcelone. Au Seuil de l'Espoir sera commencé à Carteret en mars 1896 et terminé à Malaga en janvier 1897. Publié à compte d'auteur, cet ouvrage poétique est le premier écrit signé John-Antoine Nau.
De 1899 à 1901, le couple est installé aux îles Canaries, à Orotava del Puerto,-point de départ du héros des Trois Amours de Benigno Reyes. John-Antoine Nau y aura des démêlés avec un négociant des moins honnêtes, sur lequel il prendra une revanche caricaturale dans Les Galanteries d'Anthime Budin. Contraint de quitter l'île à cause de lui, il prend la direction de Lisbonne.
De là, il traverse le sud du pays et l'Andalousie pour aller se fixer près de Huelva, au bord du Rio Tinto. La " Lettre d'Espagne à un parent ", insérée dans les Lettres exotiques (parues en 1933 aux éditions des Marges), relate ce voyage. Il se fait propriétaire, mais une malheureuse expérience de culture maraîchère dans leur jardin les contraint, en automne 1902, à revendre la maison et à retourner à Malaga pour y passer l'hiver.
Alors qu'il l'avait commencé à Orotava, c'est à Huelva que John-Antoine Nau a terminé Force Ennemie, en juin 1902. En février 1903, son roman paraît, à compte d'auteur, aux éditions de la Plume. Sans déflorer le sujet de l'ouvrage, un extrait, très caractéristique du style maritime et colonial de Nau, est aussitôt publié dans les pages de la revue. Le roman n'échappera pas à la critique de Fagus dans la Revue Blanche, puis à celle, très bienveillante, de Robert Scheffer dans la Plume.

En juillet 1903, John-Antoine Nau demeure à Saint-Tropez, au hameau des Canoubiers, dans une maison exiguë que Lucie Cousturier fréquentera assidûment (au printemps 1905, il s'installera Plage de Granier).
Pendant ce temps, à Paris, les membres de l'Académie Goncourt s'affairent au choix des romans à mettre aux voix lors de l'attribution du Prix en décembre. Force Ennemie est l'un d'eux, et l'on cherche activement plus de renseignements sur son mystérieux auteur, déjà connu par des écrits parus dans la Revue Blanche.
Dans la nuit du 21 au 22 décembre, contre toute attente, John-Antoine Nau reçoit un télégramme lui annonçant qu'il est le lauréat. Après avoir envoyé une lettre de remerciements à chacun des membres de l'Académie, il court à Saint-Clair, chez son ami Henri-Edmond Cross, qui le garde chez lui pour faire son portrait. John-Antoine Nau ne se déplacera pas à Paris pour recueillir sa récompense : il en chargera son frère Charles, secrétaire de Maurice Donnay depuis octobre dernier.
Poursuivant son travail, il termine en 1904 la traduction du " Journal d'un Ecrivain " de Dostoïevski. Il dépose chez Messein son manuscrit d'Hiers Bleus, recueil de poèmes en attente de parution, dédié à Paul Signac. En 1905, Le Prêteur d'Amour, dédié à Lucien Descaves, est prêt pour son édition chez Fasquelle. Nau compose les poèmes de Vers la Fée Viviane, qui paraissent en 1905 aux Ecrits pour l'Art, et grâce auxquels il entre en relation d'amitié avec Jean Royère.

En avril 1906, il s'embarque pour Alger, où il séjournera trois ans avec quelques brefs retours sur terre de France. C'est de là qu'il envoie son manuscrit de La Gennia aux éditions Messein, pour sa parution en Juillet de la même année. Il fréquente le milieu algérianiste : Les Lettres de Corse et de Bretagne, parues en 1949 aux éditions " Afrique ", sont un précieux témoignage de l'amitié littéraire qu'il noua avec Robert Randau. En 1908, il confie aux éditions de La Phalange la publication de Vers la Fée Viviane, dédié à Félix Fénéon, cycle auquel il ajoute Côte d'Emeraude, qu'il avait écrit lors d'un séjour à Saint-Cast. Les réalités de la vie urbaine lui inspireront le roman truculent de Cristobal le Poète, qu'il dédiera à Gustave Geffroy. Survient en mars 1909, la mort de sa mère, qu'il évoquera dans deux passages de Thérèse Donati, et qui le rappelle en France.

Il ne fait qu'un court passage à Paris et revient sur la Côte d'Azur. L'amitié de Guy Lavaud ne parvient pas à lui faire aimer Golfe Juan et il s'installe au plus vite au Lavandou. Devenu frileux, il quitte la métropole à l'automne pour s'installer sur l'Ile de Beauté.

À Cargese, il fait la connaissance du peintre Camille Boiry qui deviendra un grand ami et qui fera un très beau portrait de l'écrivain. Fuyant sans doute l'afflux des estivants, il passe l'été 1910 à l'intérieur du maquis, à Zicavo. Mais à l'automne, il élit domicile à Porto-Vecchio, Tournant de la Marine ;-le chemin de ronde de la citadelle sera baptisé rue John-Antoine Nau.
Quatre années s'y passent où l'écrivain prend, dans le village, la place d'un bienfaiteur. Cristobal le Poète paraît en feuilleton dans la Phalange, de novembre 1910 à mai 1911 ; le roman sortira chez Ollendorff au printemps 1912. L'observation de la population corse lui inspire son roman Thérèse Donati, que, de son vivant, il hésitait à publier. En janvier 1914 paraît, chez Crès,un recueil dédié à Jean Royère, En suivant les Goélands, dont nombre de poèmes ont déjà paru dans La Phalange.
À la déclaration de guerre, il déménage de Porto-Vecchio à Ajaccio, pour une installation moins précaire. En septembre 1916, le couple quitte définitivement l'île pour se rendre à Rouen, où la sœur d'Henriette vient de mourir. Découragés par la tristesse de la ville, ils n'y resteront que quelques mois, le temps de trouver un nouveau port d'escale.
John-Antoine Nau a choisi la baie de Douarnenez et, le 17 mars 1917, ils arrivent à Tréboul. C'est là que le poète mourra un an plus tard, jour pour jour, laissant d'ultimes poèmes d'une très haute inspiration religieuse.

Réputé de caractère sauvage, John-Antoine Nau a eu de très nombreux et très bons amis, choisis certes parmi les poètes et romanciers, mais aussi parmi les artistes peintres. Il serait infiniment heureux que soient réunies, pour une publication complète, les lettres qu'il leur a écrites : Nau excellait en effet dans l'art épistolaire, où on le connaît dans toute sa spontanéité, avec sa bonne humeur.
Il n'a eu cure de son renom d'auteur, car il écrivait pour la perfection de l'art. La lecture de ses ouvrages en prose paraît ardue à qui n'a pas commencé par Les Trois Amours de Benigno Reyes. Il faut savoir passer de portraits en portraits, souvent caricaturaux, et de paysages en paysages, pour ne pas attacher une importance primordiale à l'intrigue de ses romans. On ne peut pas s'empêcher d'apprécier la langue et le style de l'écrivain.
Au Seuil de l'Espoir est un long poème épique, traversé par la quête de la femme irréelle, aux rythmes et aux couleurs duquel on se laisse prendre. Beaucoup des poèmes des recueils suivants sont des évocations autobiographiques, dédiées à divers parents et amis. Nau n'imaginait pas les paysages, il les avait vus avec des yeux de peintre et les transformait en musique.

Dès 1908, dans La Phalange qu'il dirigeait, Jean Royère a écrit un long article sur John-Antoine Nau. À partir de la mort de son ami, dont il fut le témoin, il a multiplié les publications pour que le poète et romancier ne passe pas dans l'oubli : dans les Marges d'abord en 1918, dans le Douar en 1919, dans les Belles Lettres en 1922, dans " Clartés sur la Poésie " en 1925.
Avec l'aide d'Henriette Torquet, Jean Royère a rassemblé de nombreux écrits inédits, en vers et en prose. C'est ainsi qu'ont pu paraître Thérèse Donati en 1921 ; Les Galanteries d'Anthime Budin (auxquelles sont joints différents contes et nouvelles) en 1923 ; la même année, Les Trois Amours de Benigno Reyes (parus initialement dans la Revue Blanche en 1902), ouvrage comportant en outre les textes constituant Pilotins, ainsi que la fantaisiste nouvelle du Duelliste ; les Poèmes triviaux et mystiques en 1924 ; enfin les nouvelles d'Archipel caraïbe en 1929 et en 1933, les Lettres exotiques, réunissant les correspondances de Nau avec différents amis entre 1896 et 1915.
L'activité littéraire de John-Antoine Nau n'avait jamais connu de trêve depuis qu'il avait remis le pied sur la terre ferme : en témoignent ses contributions aux revues de l'époque. La Revue Blanche, La Plume, Le Festin d'Esope, les Ecrits pour l'Art, Vers et Prose, La Phalange, La Grande Revue, et en dernier La Vie, sont les périodiques auxquels, entre autres, John-Antoine Nau a apporté sa collaboration par des écrits en vers et en prose, dont certains sont encore inédits à l'heure actuelle

25 janvier 2007

Retour vers le passé

Trouvé, mais présent dans bien des endroits...

PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy a déclaré mercredi, lors d’une rencontre avec des patrons de PME, qu’il entendait s’inspirer du "contrat nouvelle embauche" (CNE) pour créer un contrat de travail unique s’il était élu le 6 mai à la présidence de la République.

"Le CNE est un progrès, il ne faut pas y toucher", a déclaré le ministre de l’Intérieur et candidat de l’UMP lors de cette rencontre organisée par la CG-PME dans un théâtre parisien.
Le CNE, pour le moment réservé aux entreprises de moins de 20 salariés, prévoit une période d’essai de deux ans et rencontre un certain succès auprès des PME. "Je garderai l’intérim et les contrats de projet (...) mais le contrat de travail unique inspiré du CNE est une occasion de simplifier beaucoup le droit du travail français", a ajouté Nicolas Sarkozy.

Est-ce que ca va passer inaperçu comme une lettre à la Poste ?

Ce que vient d’annoncer Nicolas Sarkozy, devrait faire la « une » de tous les journaux, tellement, c’est une attaque inouïe, inédite contre le Code du travail.

C’est purement et simplement la mort du droit du licenciement : la facilité pour un employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail SANS MOTIF

- pas seulement pour les jeunes de moins de 26 ans comme le CPE,

- pas seulement pour les 5 millions des salariés des entreprises de moins de 20 salariés comme le CNE

- pas seulement pendant une période de deux ans comme le CNE et le CPE mais tout au long de la vie professionnelle, un employeur pourra vous licencier SANS MOTIF, en dépit de toutes les déclarations des droits de l’homme, en dépit de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail.

Être licenciable sans motif, c’est ne plus pouvoir défendre ses droits du travail en amont, c’est ne plus pouvoir se syndiquer ouvertement, c’est ne plus pouvoir revendiquer ses heures supplémentaires, c’est ne plus pouvoir « broncher » sous peine de perdre son emploi...

Être licenciable sans motif, c’est ne pas pouvoir correctement se défendre aux prud’hommes contre un licenciement sans cause réelle et sérieuse, abusif, ou boursier.

Être licenciable sans motif, c’est un retour en arrière de 120 ans, dans le droit, la dignité élémentaire des salariés, c’est le retour à Germinal, à Zola...

Pas un salarié de ce pays n’a intérêt à ce qu’un tel candidat passe ...

Des millions de salariés, de jeunes ont défilé de février à avril 2006 pour imposer à Sarkozy Chirac Villepin de retirer le CPE : Sarkozy, ce n’est pas la « rupture », c’est la persistance, la France d’avant, c’est la volonté de casser la volonté populaire, de revenir en arrière, au 19° siècle.

Est-il besoin de rajouter quelque chose ?

22 janvier 2007

Au revoir, frère !

Il en a dit, des choses, et il en a fait, aussi.

« Il faut que la voix des hommes sans voix empêche les puissants de dormir. »

Repose en paix.

21 janvier 2007

Happy birthday to you...

Non, il ne faut pas se moquer... Il y a des années, en classe prépa, à Bordeaux, ma prof d'histoire ancienne séchait ses cours le 21 janvier. En "bonne Vendéenne", elle ne devait sous aucun prétexte manquer la messe à la mémoire du gros capet, décollé ce 21 janvier 1793...

Le vicomte Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon a de la chance : le 21 janvier tombant un dimanche, il a pu organiser sa réunion d'investiture à la candidature à la Présidence de la république hier 20 janvier. Drôle de Vendéen que celui-ci, élevé au Parti Républicain, puis à l'UDF, il se "radicalise" et se maintien au pouvoir dans son fief avec l'appui tacite de l'UMP - qui s'est engagé à ne pas présenter de candidats contre lui dans sa circonscription - après avoir "contribué à la démocratie" en demandant à ses maires MPF de donner leurs signatures à Ar Penn en 2002...

Je ne vous ferai pas l'injure de reproduire les nombreux propos dudit vicomte qui lui ont valu, outre les protestations du MRAP et quelques condamnations en justice, le silence de ses appuis à l'UMP...

Je me contenterai de vous redonner un extrait de la lettre à Lulu :

Sang Sylvestre. Dix ans de réveillons maudits

De Villliers n'aime pas les anniversaires. Il a maudit le Bicentenaire de 89, il exècre qu'on fête tous les ans le nouvel an.

Au dernier réveillon, Philippe de Villiers a eu le cotillon amer. Il y a dix ans, le 31 décembre 1988, un homme, Jean-Franklin Yavchitz, directeur des services du département congédié comme un malpropre par le Vicomte quelques jours après son accession au trône, a eu le manque de tact de se faire sauter le caisson dans le bureau de Villiers. Qui a dû changer de bureau, trop lourd de reproches. Ce suicide accusateur a gaché un réveillon qui s'annonçait doublement sympa, puisqu'il coïncidait avec le mariage du lieutenant du Vicomte, l'ineffable Bruno Retailleau. Depuis, tous les réveillons ravivent de mauvais souvenirs.

Dans un livre racontant son parcours*, Madeleine Lelièvre, femme de caractère, féministe, centriste de droite, farouchement rebelle à une soumission au Vicomte, publie une lettre qu'elle adressa peu après au procureur de la république : "J'affirme sur l'honneur que peu de jours avant sa destitution, le directeur général m'a dit : "De toutes façons, si je dois partir (il n'en était pas sûr), les choses se passeront bien. Philippe est un vieil ami." D'un autre côté, la haine d'un vice président du Conseil général pour J.F. Yavchitz était légendaire. C'est lui qui prit la tête du mouvement des élus qui réclamèrent la destitution du directeur sur le champ - ceci en échange de leurs voix. Et c'est ce marché honteux qui a tué. Il fut chassé comme un laquais, pire, comme un malhonnête ( …) À tort sans doute, J.-F. Yavchitz s'est cru déshonoré devant ceux qu'il aimait : sa famille, ses amis, ses relations professionnelles et politiques. Il s'est donné la mort. Je pense, et beaucoup de Vendéens avec moi, qu'il a été moralement tué. (…) M. de Villiers connaissait la sensibilité de son ami et son sens de l'honneur qui primait tout chez lui - orgueil pour certains, dignité pour d'autres.

M. de Villiers en rendant déshonorantes les conditions de départ de J.-F. Yavchitz, ne lui a-t-il pas posé amicalement la main sur la gâchette". Rien ne suivit cette lettre demandant d'ouvrir une enquête sur les mobiles du suicide.

Depuis Philippe de Villiers voudrait bien gommer du calendrier cette date du 31 décembre, qui, obstinée, revient tous les ans. Preuve que d'indignes salopiots lui en veulent vraiment.

* "La passionaria du bocage", de Madeleine Lelièvre
Après cela, on ne peut que s'ébahir devant l'évocation larmoyante du destin du gros Capet... Même si nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir depuis progressé en abolissant la peine de mort, il est d'autres homicides qui restent impunis.

20 janvier 2007

À droite rien de nouveau

Ce texte d'Irène Delse dit tout, cela vaudrait presque la peine de tout recopier. Mais le blog d'Irène vaut la peine d'être découvert, je ne vous donne que quelques extraits...
Désigné candidat avec un score digne de l'Union Soviétique de Marie-Georges Buffet, le chef du troupeau UMP, accessoirement Ministre de l'Intérieur, des Cultes et de l'Aménagement du territoire, est en grand danger d'attraper la grosse tête. Bon, 98,1% des suffrages exprimés, quand on est seul en lice, est-ce bien glorieux ?

Ah, tiens, un autre chiffre : 69% de participation. Donc, 3 adhérents sur 10 n'ont pas apporté leur voix au guide suprême ? Comme c'est bizarre.

Le candidat du pouvoir sortant avait pourtant pris soin de bourrer la salle des retraités du RPR (plus quelques anciens du SAC, sans doute...), amenés en cars entiers à la Porte de Versailles. Et pour l'affichage, on pousse au premier rang les jeunes gens propres sur eux, blancs et BCBG pour la plupart. (On se croirait à un concert des Rolling Stones. La chanson n'est pas aussi séduisante, hélas !)

Remarque du 18/01 : Bizarre, bizarre, décidément, cette valse des chiffres ! Il y avait 25 000 places dans la salle, et l'UMP, relayé par les médias, annonce 100 000 présents. On n'est pas pris pour cons, nooon...

[...]

Selon l'Observatoire des Inégalités, la moitié des français touche moins de 2050 Euros par mois... Chez les salariés du secteur privé, le salaire médian est même inférieur à 1500 Euros (et tombe à 1350 Euros si on ne considère que les femmes). Mais le Ministre du Budget, lui, rêve déjà tout éveillé et trouve «évident» qu'un revenu de 4000 Euros par mois se situe dans la classe moyenne. Il va même jusqu'à fantasmer les professeurs certifiés et conducteurs de TGV à ce niveau de salaire, soit un quart à un tiers de plus que la réalité. Quand les membres du gouvernement actuel parlent de «France qui souffre» et autre «fracture sociale», on a du mal à ne pas éclater de rire.

[...]

Pour l'Europe, il est urgent de laisser aux parlements le soin de décider d'un futur traité constitutionnel, plutôt que de consulter les européens par référendum. Trop dangereux, hein ?

[...]

Histoire de se faire aimer de la France qui souffre, le ministre-candidat propose aussi de conditionner le RMI à un travail d'intérêt commun, c'est-à-dire de transformer un minimum social, dont le but est d'aider les personnes en grande détresse à retrouver leur dignité et à sortir de la spirale de la misère, en salaire au rabais. Ou en nouveau minimum salarial ? Le SMIC au niveau du RMI, génial ! (À moins qu'il n'ait la nostalgie du traitement social du chômage, des TUC et autres emplois jeunes. Mais allors, gros malin, fallait pas les supprimer !)

[...]

18 janvier 2007

Comment faire un tabac

Le taux de nicotine dans les cigarettes a augmenté de 11% depuis 1998, selon une étude de l'université de Harvard. Devant la baisse de la consommation, les fabricants ont pris cette mesure pour accélérer et pérenniser la dépendance. Sans commentaire.

17 janvier 2007

Fortune

Et voilà que le niveau de la campagne électorale monte d'un cran.

Bien qu'originaire du Tarn, j'ai toujours fait beaucoup d'efforts pour ne pas verser dans le racisme anti-aveyronnais primaire... Jalousie, aveuglement (le soleil se levant à l'Est ?), les Tarnais ont en général la dent dure avec leurs voisins, en oubliant que la tribu des Ruthènes s'étendait avant la conquête romaine sur les deux départements. La première avancée romaine sépara les Ruthènes provinciaux (les Albigenses) des Ruteni.

Mais je m'égare. C'est un élu de l'Aveyron, Jacques Godfrain, qui a lancé ce pavé dans la mare pourtant gérée par le radical de gauche Baylet (un parti en voie de disparition qui a présenté C. Taubira en 2002 et sans doute contribué à la présence de Le Pen au second tour). Mais c'est vrai que c'est un élu du parti unique chiraco-sarkozien...

Bref, M. et Mme Leerdammer auraient monté une société civile immobilière pour payer moins d'impôts. Ah que, je ne comprends pas. Jalousie aveyronnaise envers un corrézien ?

Ah que, il a peur que Johnny trouve finalement les socialistes plus doués pour échapper au fisc, et retourne sa veste en cuir ? (pas trop vite, Johnny, tu vas te démettre une épaule...)

On a donc assisté à un grand déballage, et appris le montant finalement ridicule que paient ces gens en ISF (moins de 1000 euros, si j'ai bien compris). Cela m'amène à une réflexion : au prix où l'immobilier monte, tous les propriétaires (dont je fais partie, enfin, dans 8 ou 9 ans quand j'aurai fini de payer le crédit) vont devoir payer l'ISF. Or, on paye déjà la taxe foncière. N'y aurait-il pas un vrai problème de fiscalité ?

Sinon, le patrimoine d'Arlette Laguillier m'a fait sourire (jaune) : quelques milliers d'euros d'économies. Elle a donné tout le reste à sa secte... pardon, à son parti... Belle naïveté, non ?

Je pense qu'il y a plein d'autres sources de revenus moins faciles à pister, et qui ne sont pas comptées dans les patrimoines de nos énarques (tiens, c'est drôle, quand ils finissent l'ENA ils sont souvent inspecteurs des impôts... vous avez dit bizarre ?)

15 janvier 2007

C'est toujours meilleur quand on attend

Cette réclame sur un fromage me fait rire. (Bon d'accord, je l'avoue, la Worldcompany organise une réunion, me réserve un hôtel haut de gamme... où le système de télévision est en réparation... au lieu de me réveiller avec des sueurs froides en regardant la BBC, je m'accoutume à mon futur état de sénior insomniaque en regardant télématin...)

Attendre 5 ans, après le désastre de 2002 (aller voter pour un délinquant financier, quand même...) pour avoir la possibilité d'élire un autre président... Aujourd'hui, qui veut nous faire croire dans ce slogan ? Arlette Laguillier, qui a encore selon les dernières informations recueilli ses 500 signatures ? Un vert quelconque ? Olivier Besancenot ? Le candidat lambertiste (ah, le « parti des travailleurs ») ?

13 janvier 2007

Androïde

Je viens de rencontrer mon premier androïde. Sous l'identité d'une employée californienne de la WorldCompany se dissimulait un être ayant subi, vu son apparence, un nombre conséquent d'interventions chirurgicales que seuls les sadiques et les commerciaux peuvent qualifier d'esthétiques. J'avoue avoir eu (intérieurement, je suis bien élevé) un mouvement de recul, je m'attendais à ce que sa tête se détache du corps comme l'inspecteur Gadget... Elle a dû s'en poser des questions, devant mes yeux ébahis. Peut-être a-t-elle même pensé que j'étais tombé sous son charme. Mais bon, j'avoue que je n'ai jamais envisagé de faire appel aux services d'une poupée gonflable...

12 janvier 2007

Décennie

Ça a fait dix ans aujourd'hui... le hasard, certains diraient le destin... a fait que nos chemins se sont croisés. (Les circonstances précises et exactes resteront entre elle et moi.)

Depuis dix ans, cet amour passion est devenu solide, renforcé par l'admiration que j'ai pour cette femme qui sait si bien me supporter.

Je viens de passer quelques jours en déplacement pour une réunion chez laWorldCompanie, client de Manouvelleboite.

Ce soir, alors qu'elle fête gaiement la nouvelle année avec ses collègues de travail, je me dis juste que c'est bien de l'avoir rencontrée, que je n'ai rien à regretter, au contraire, et que si ça dure quelques décennies de plus, je n'aurai vraiment pas de quoi me plaindre...

7 janvier 2007

Da Sushi Code

C'est un pur hasard qui m'a fait tomber sur ce site... En ces temps où Madame Leerdammer se promène sur la grande muraille déguisée en religieuse, il semble utile de rappeler que le salut... par le rire... pourrait bien venir de l'Orient... Je vous donne le texte du site, sans les images...

Si vous avez lu ou entendu parler du récent succès de librairie "Da Vinci code", vous connaissez le thème du roman : le Christ aurait eu une descendance, et celle-ci vivrait encore de nos jours... mais vous n'avez peut-être pas encore eu l'occasion d'entendre parler de certain village perdu dans le nord du Japon où, depuis des temps reculés, se situeraient la tombe du Christ, son testament, ainsi que ses descendants, encore vivants à l'heure actuelle !

C'est cette histoire vraie qui fait l'objet de ce dossier, dans lequel nous allons, dans un premier temps, laisser libre cours à notre droit au rêve, pour ensuite exercer un minimum notre devoir de vigilance.

Première partie : droit au rêve, le village mystérieux.

Au Japon, dans la préfecture d'Aomori (青森), entre le lac de Towada (十和田潮) et la ville de Hachinohe (八戸, nous reviendrons sur ce nom), se situe un village d'à peine 3000 habitants, Shingo (新郷, littéralement "nouveau village", autrefois en partie appelé Herai, 戸来, nom toujours porté par la montagne à l'est du village).

A part sa production d'ail renommée et son usine de yaourts, il n'aurait guère que l'époustouflante beauté de sa nature, où l'on peut encore voir sur des maisons des toits de paille de riz aux sommets desquels pousse de l'herbe, pour attirer le touriste...

... Si ce n'est que Shingo est aussi réputé pour être le lieu ou Jésus Christ fut enterré ! On peut encore aller y visiter sa tombe, très officiellement repérée sur les panneaux routiers, et chaque année, y a lieu le Festival du Christ (キリスト祭), qui attire une foule de participants et de curieux.

Panneau routier indiquant la tombe du Christ

La popularité du site aidant, le visiteur ne manquera pas de ne pas laisser paraître son étonnement devant la proximité, sur le panneau d'accueil, entre la représentation de la croix et le logo publicitaire d'une marque de boisson gazeuse trop sucrée vendue partout dans le monde...

Voici la légende, telle qu'on peut la lire dans les brochures touristiques ou se la faire raconter sur place :
A l'âge de 21 ans, Jésus Christ (イエスキリスト) vint au Japon pour y étudier la théologie, et ce durant 12 ans. Il retourna en Judée à 33 ans pour y prêcher, mais les judéens refusèrent son enseignement et l'arrêtèrent pour l'exécuter en le crucifiant.
Toutefois, c'est son petit frère Jsus Chri (イスキリ) qui prit sa place et finit sa vie sur la croix. Jésus Christ, ayant échappé à la crucifixion, reprit ses voyages et finit par fouler de nouveau le sol du Japon, où il se fixa, dans ce village, Herai, pour y vivre jusqu'à l'âge de 106 ans (certaines versions parlent de 118 ans et d'une épouse nommée Miyu).
Sur cette terre consacrée, la tombe de droite est dédiée à Jésus Christ, tandis que celle de gauche commémore son petit frère Jsus Chri. Tout cela est décrit dans le testament de Jésus Christ.
Le site de la tombe de Jésus, aujourd'hui transformé en parc public avec jardins, parking, pièces d'eau et même musée, permet chaque année d'attirer environ 10.000 visiteurs, ce qui représente un revenu touristique considérable pour cette région à l'écart des grands axes de communication.
Sur la photo ci-dessous, la motte de terre surmontée d'une croix au premier plan est la tombe du petit frère, celle à l'arrière-plan étant celle de Jésus. L'escalier d'accès principal, creusé dans la colline, débouche sur la droite de la photo, entre les deux piliers de bois blancs.
Habituellement, au Japon, les tombes sont marquées par des pierres tombales, sur lesquelles sont généralement gravés les noms de ceux (ou, le plus souvent, leurs cendres) qui s'y trouvent inhumés. Cependant il peut exceptionnellement arriver que l'on trouve une tombe offrant l'aspect d'un tumulus plus ou moins haut, comme dans le cas des tombes des frères Chri(st). Ce genre de tombe est traditionnellement associé à des personnages très importants.

Ces deux monticules ne sont pas les seules tombes de l'endroit : à quelques mètres en contrebas se trouve un cimetière d'allure plus "classique", et parmi de nombreuses autres pierres tombales, disséminées sur la colline, se trouve, bien en évidence, la tombe familiale des Sawaguchi, gardiens de ces lieux depuis l'antiquité. Coïncidence ? Non, répond le chercheur renommé Kyomaro Takeuchi (竹内巨麿), qui a retrouvé en 1935 dans la bibliothèque de sa maison familiale dans la préfecture de Ibaraki (beaucoup plus au sud du pays) de très anciens documents qui ont permis de reconstituer toute l'histoire. Selon ces documents de Takeuchi, la famille Sawaguchi n'est autre que l'équivalent des Saint-Clair du Da Vinci code, mais dans le monde réel : ce sont les descendants du Christ. La découverte de ces documents avait fait énormément de bruit dans la presse japonaise, à l'époque et quantité d'indices qui, pris isolément, n'avaient pas grande importance, prennent subitement toute leur signification et viennent corroborer cette affirmation, comme nous allons le voir.

Au passage, on trouvera aussi à proximité d'autres pierres gravées, d'un autre genre puisqu'elles ne marquent pas l'emplacement de tombes, comme par exemple la pierre ci-dessous. Ces pierres-là sont simplement des poèmes du genre Tanka (短歌), courts et dits lentement d'un ton mélodieux. La raison de leur présence est le concours ayant lieu chaque année, lors du festival du Christ.

La colline s'enrichit aussi du musée associé, le Denshoukan, auquel se rendent les visiteurs.

Dans ce musée sont rassemblés documents historiques et preuves de la présence du Christ, c'est donc un lieu incontournable pour quiconque s'intéresse à la légende.

Bien en évidence, on ne pourra manquer d'apercevoir cette étoile à cinq branches, emblème de la famille Sawaguchi.

Si l'on s'aventure un peu à l'extérieur de la colline, on pourra aller voir l'original, à quelques dizaines de mètres de là, sur un panneau au front de la maison Sawaguchi, qui n'est pas un musée mais bel et bien une habitation où vivent des gens comme vous et moi (enfin, d'après les documents de Takeuchi, pas tout-à-fait comme vous et moi) :

La ressemblance entre cet emblème familial et l'étoile de David, symbole des juifs depuis la plus haute antiquité, crève les yeux.

D'ailleurs, si cette histoire n'était pas totalement sûre, pourquoi l'ambassadeur d'Israël se serait-il déplacé, en 2004, pour faire don de la plaque ci-dessous, gravée de ce message en hébreu :
Cette plaque est un don de la ville de Jérusalem, en témoignage de l'amitié entre l'Etat d'Israël, la ville de Jérusalem et Shingo.
Cette plaque a été posée sur le sol à la vue de tous, en plein centre de l'espace séparant la tombe de Jésus Christ de celle de son petit frère.

Plaque en hebreu offerte par la ville de Jerusalem

Selon le professeur Eiji Kawamorita, autorité reconnue en culture hébraïque, les paroles de la chanson traditionnelle entonnée chaque année au festival du Christ, lors de la danse autour de la tombe de Jésus, dont tout le monde semble avoir perdu le sens, auraient été de l'hébreu, à l'origine. Pour référence, ces paroles sont, dans leur forme la plus complète (donnée dans La chronique de Shingo), prononcées comme suit :
Naniyaa dorayayo (ナニヤアドラヤヨ)
Naniyaa donasare inokie (ナニヤアドナサレイノキエ)
Naniyaa doyarayo (ナニヤアドラヤヨ)
C'est une chanson étrange à plus d'un titre. Outre le fait que le sens des paroles s'est perdu, cette chanson que l'on n'entend qu'à Shingo n'a pas de fin, contrairement à la règle générale... Ce nasare en plein milieu, ne serait-ce pas une déformation de "Nazareth" ?
Mais ce n'est pas tout ! Si l'on examine les traits du père de M. Sawaguchi, représenté sur la photo ci-dessous, on ne peut que remarquer des caractères sémitiques !

La haute stature, le long nez et le visage "rouge" des membres de cette famille les placent à part et signalent leur origine probable. Un autre élément vient s'ajouter à notre faisceau de présomption, à savoir l'habit traditionnel du village, qui se rapproche étrangement (trop pour n'être qu'une coïncidence) de l'habit hébreu traditionnel, comme on peut le constater si l'on regarde le mannequin ci-dessous...

Et puis, en y réfléchissant deux minutes, l'ancien nom du village, Herai, est probablement une déformation du mot "Hebrai", puisque peuplé de descendants d'hébreux.
Et que dire de cette étrange coutume locale ancestrale, qui consiste à marquer les nouveaux-nés d'une croix au front, coutume suivie aveuglément, mais dont l'origine s'est perdue dans la brume des temps ?

Et le clou de la collection du musée, propre à balayer tout doute qui pourrait encore ombrager le plus borné des rationalistes, à ce stade de la démonstration : le testament de Jésus Christ, écrit de sa main, naturellement en japonais ! Ce testament fut miraculeusement retrouvé dans les fameux documents de Takeuchi, Jésus y décrit la tombe et signe de son nom, sans erreur possible.

Petite pause : une fois quelque peu remis du choc de la visite au musée, vous pourrez aller vous restaurer à sa boutique, d'une bonne glace "Dracula", qui chasse les vampires car c'est une glace à l'ail (l'ail de Shingo est délicieux à ce point !). Un crucifix est même dessiné sur le couvercle, ce qui d'une part est dans le thème du lieu, et d'autre part achèvera de vous débarrasser d'un vampire que l'odeur de l'ail n'aura pas totalement désactivé.

Vous ne repartirez pas non plus sans ce Chawan (tasse à thé) décoré des paroles de la chanson Nanya doyara.

Pour finir la pause et emporter un souvenir, utilisez ce décor photographique qui vous dispensera de l'effort de vous changer pour faire couleur locale. Vous vous ferez ainsi en un clin d'œil un déguisement de Jésus et de sa petite famille.

Seconde partie : devoir de vigilance, quand l'office du tourisme fait bon ménage avec les archéomanes.

Pour commencer à éveiller notre esprit critique, rien de tel qu'un mystère supplémentaire. Justement, on trouve à quelques trois kilomètres du lieu où se trouve la tombe de Jésus deux pyramides ! La pyramide du grand dieu-caillou (大石神ピラミッド), et, à quelques centaines de mètres en haut d'une colline boisée, la pyramide du grand dieu-caillou d'en haut (上大石神ピラミッド).

Plan d'acces aux pyramides de Shingo

La première pyramide est vénérée comme un dieu, car elle est le centre de son propre sanctuaire Shinto, en pleine nature. La religion Shinto est la religion de la nature, on n'y compte plus les dieux. Ce sanctuaire existe depuis des siècles, aucun rapport avec l'archéomanie, a priori.

C'est le panneau explicatif posé devant qui fait la différence : il y est expliqué que les pyramides du Japon sont plus anciennes que les pyramides d'Egypte ou du Mexique, et qu'un certain document très ancien retrouvé dans les archive de la famille Takeuchi (武内) dans la préfecture de Ibaraki en 1935 (quelle coïncidence !) révèle l'existence de 7 pyramides au Japon. Le célèbre chasseur de pyramides Katsutoki Sakai (酒井勝軍) et le cinéaste Banzan Toya (鳥谷播山) ont appelé la même année la pyramide du grand dieu-caillou la "Quatrième pyramide du Japon", etc. Le même panneau révèle que les mêmes conditions entourent la découverte de la tombe de Jésus. Deux pyramides "plus anciennes que les pyramides d'Egypte" et une tombe censée dater d'il y a moins de 2000 ans trouvées par les mêmes personnes avec les mêmes documents "antiques", cela fait beaucoup. On subodore le coup monté. Mais nous avons des noms.

Avant d'enquêter plus loin, profitons du beau temps et visitons les deux "pyramides" (la vidéo de la visite se trouve sur le DVD). Tout d'abord, celle qui se trouve dans le sanctuaire est composée de plusieurs gros cailloux ayant chacun leur nom. L'un deux est particulièrement célèbre, c'est le caillou-miroi (鏡石), car, comme le dit le panneau explicatif, il a été renversé lors d'un séisme particulièrement fort le 23 juillet 1857, et sur la face qui fait désormais face au sol, se trouvaient d'antiques inscriptions... pas de chance !

La pyramide du grand dieu-caillou d'en haut, quant à elle, n'a pas son propre sanctuaire. A vrai dire, elle ressemble moins à une pyramide qu'à un simple gros rocher. La légende raconte que dans les temps anciens, une boule d'or se trouvait dans l'une de ses nombreuses anfractuosités... pas de chance !

Et le lien entre ces deux pseudo-pyramides et la tombe du Christ ? Nous avons la date commune de leur "découverte" : 1935, la source commune de documents "antiques" les concernants : les archives de Takeuchi, et maintenant les noms des découvreurs : Katsutoki Sakai et Banzan Toya. Il nous manque un nom, mais il ne sera pas difficile à retrouver : celui du maire de Shingo, à l'époque des faits, car à qui l'opération profite-t-elle, si ce n'est au tourisme local ? Le maire de l'époque, justement, Denjiro Sasaki (佐々木伝次郎) est connu pour son obsession de développer le tourisme à Shingo...
L'année précédente, il avait été décidé de donner au lac de Towada le statut de parc national. Au grand désespoir de Sasaki, le village de Shingo avait été exclu de la zone du parc naturel. Celui-ci invita donc le cinéaste Toya, grand amoureux du lac de Towada, afin qu'il vienne faire la publicité de Shingo. Toya ne pensait guère qu'à vendre le lac, et méprisait le village. Toutefois, Toya était également grand amateur d'archéologie-fiction, et avait amené avec lui une de ses relations amicales, Sakai, qui était déjà connu à l'époque pour avoir déclaré qu'il y avait sept pyramides au Japon. Ensemble, ils étaient déjà partis en quête de la "première pyramide du Japon", celle de la montagne Hiba (比婆山ピラミッド) 5 mois auparavant. Ils s'en furent donc au sanctuaire du grand dieu-caillou, dont ils déclarèrent à grand renfort de presse qu'il s'agissait de la "deuxième pyramide du Japon".
En 1935, le décor est planté, ne manque que l'étincelle pour allumer le feu de joie. Elle prend la forme d'un individu nommé Kyomaro Takeuchi, se présentant comme descendant de la famille Takeuchi (celle des documents), accessoirement prétendant aussi avoir des dons de devin, qui vient à Shingo cette année-là et y rencontre Sasaki. Il prétendait avoir retrouvé dans les archive de sa famille des documents relatant des faits vieux de jusqu'à 317 milliards d'années (plus fort que Ron Hubbard !) et avait un public de fans friands d'histoires d'archéologie fantastique fort nombreux.
Le 10 octobre, après son départ de Shingo, la découverte de la tombe de Jésus à Shingo est annoncée. Par une étrange coïncidence, Takeuchi retrouve dans ses archives, à son retour de Shingo, le testament de Jésus Christ !
Le premier festival du Christ, addition au folklore du village et dopant pour le tourisme (10% de la fréquentation annuelle du village a lieu ce jour-là), aura lieu près de 30 ans plus tard. Il faut apparemment environ une génération pour construire un nouveau mythe.

Le "festival du Christ", qui a lieu chaque année au début du mois de juin, est en lui-même un festival traditionnel, qui commence par une cérémonie religieuse Shinto dont l'autel est dressé au bas de l'escalier menant aux deux monticules, une danse de style bon odori (盆踊り, quoique le festival bon proprement dit ait lieu en août), et se poursuit par un rassemblement des habitants du village pour boire et manger tout en discutant et en regardant les danses, chants et poèmes de ceux qui en ont préparé (quelques séquences dans le DVD).
La partie "Christ" sert de thème à la cérémonie Shinto (!), la tombe de Jésus Christ sert de cadre à la danse Nanya doyara, mais le reste du festival a une vie propre (et se déroule d'ailleurs dans un autre endroit, où tout le monde se rend une fois Nanya doyara terminée), ce qui dénote le fait que le thème "Christ" du festival est une addition récente.
Quid des paroles de Nanya doyara ? Après tout, le professeur Kawamorita, qui n'est pas un simulateur, n'a-t-il pas déclaré sa probable origine hébraïque ? Il y a deux choses à mentionner, ici. D'une part, cette danse n'est pas propre au village de Shingo, on la retrouve dans les préfectures de Aomori, Iwate et Akita. Il est exact que le sens de ses paroles s'est perdu, mais il faut savoir que le Japon est un pays riche en patois locaux, souvent fort différents du japonais qui se parle à Tokyo.
D'autre part, gêné d'être associé à cette histoire, dans son ouvrage Recherches sur les paroles de chansons en hébreu au Japon (日本へブル詩歌の研究), le professeur Kawamorita déclare ceci :
Durant l'été de 1935, lorsque j'ai posé le pied à Herai, la tombe du Christ n'y existait pas encore. [...] Je n'ai rien à voir avec Kyomaro Takeuchi, qui se disait oracle et descendant lointain de Sukune Takeuchi (武内宿禰) et son groupe, Katsutoki Sakai, Banzan Toya, l'historienne Kikue Yamakawa etc. qui ont inventé cette histoire de "tombe du Christ" à Herai, et je refuse d'en porter la responsabilité.
Mais qu'en est-il du nom "Herai" ? N'est-ce pas une déformation de "Hebrai" ? Pas du tout. Dans toute cette partie de la préfecture de Aomori et celle de Iwate, qui la jouxte au sud, se trouve une chaîne de villes dont les noms sont composés d'un numéro suivi du caractère "戸" (porte) : 一戸 (Ichinohe, "Porte 1"), 二戸 (Ninohe, "Porte 2"), etc. jusqu'à 九戸 (Kunohe, "Porte 9"). La seule exception est l'absence de "Porte 4", car "4" est un nombre porte-malheur au Japon, et une telle ville aurait un nom qui se prononce comme "Porte de la mort". Ce caractère "porte" provient du fait que dans cette région, tout le bétail des habitants était parqué dans un enclos commun fait de bois. Les habitants du lieu, qui vivaient donc à la porte, furent appelés "peuple des portes de bois". D'où les noms des villages, qui reçurent leurs numéros en plus. En 861, le nom "Porte 10" ne fut pas choisi pour le village fondé cette année là, car des "portes", on s'était habitué à ce qu'elles aillent de 1 à 9. Au lieu de ça, le nom "La porte qui vient à 10" fut contracté en "La porte qui vient", ou "Herai" (戸来). L'histoire est ici très résumée, au risque de l'écorcher, mais on voit bien que l'ancien nom de Shingo n'a strictement rien à voir avec les hébreux.

Tant qu'on y est, pour revenir à l'emblème des Sawaguchi, ci-dessous, prétendre qu'il ressemble à une étoile de David, même de loin, est largement exagéré ; on se demande comment, en traçant deux triangles, on pourrait louper une des pointes...
Même si cela était, aurait-on pu identifier "étoile de David == juif" au Ier siècle ? Le roi David, dont ce symbole est censé être l'emblème, n'a pas existé, du moins comme roi puissant. Tout au plus était-il chef de village. L'étoile de David a longtemps été utilisée comme gri-gri, et n'a été adoptée comme symbole des juifs qu'à partir de la renaissance (XVIème siècle). Le vrai symbole juif de l'époque de Jésus Christ est la ménorah (chandelier à sept branches) conservée dans le temple de Jérusalem, la croix quant à elle n'existe pas en tant que symbole associé à Jésus avant le Vème siècle. Les symboles utilisés dans les documents de Takeuchi sont donc anachroniques.
Et l'apparence "sémitique" de M. Sawaguchi ? Elle n'a rien d'exceptionnel ! On rencontre des japonais de haute taille, au teint clair et au nez plus long que la moyenne dans toutes les régions. Il faut ici souligner qu'à part feu le père de M. Sawaguchi, les autres membres de la famille, y compris M. Sawaguchi lui-même (interviewé dans le reportage présenté sur le DVD), ont une apparence de japonais tout à fait normaux.

Non, décidément. Comme de très nombreuses armoiries de familles japonaises, l'écusson des Sawaguchi est tout simplement une fleur stylisée, comme par exemple celle-ci, qui pousse sur la colline où se trouve leur tombe

Effectuons un petit retour sur le fameux "testament de Jésus Christ". Ecrit en japonais ? Il y a deux mille ans ? Sans blague ! Les japonais n'ont une écriture que depuis le VIème siècle environ, quant aux katakana, caractères utilisés dans ce "testament", ils ne font leur apparition qu'au IXème siècle. Il est donc rigoureusement impossible qu'un document datant du IIème siècle ait été écrit en faisant usage d'un syllabaire encore inexistant à cette époque... à moins bien sûr d'admettre que sa condition de fils de Dieu ait donné à Jésus les pouvoirs surnaturels idoines. La forme des caractères suggère néanmoins que le document date de la première moitié du XXème siècle, soit l'époque à laquelle Takeuchi a annoncé sa fantastique découverte, justement.
Une petite dernière pour la route : la signature à la fin du testament du Christ, イスキリスクリスマス神, "Jsus Chris, dieu de Noël", rien de moins ! En d'autres termes, on peut en conclure que ce Jésus et le Père Noël, c'est blanc bonnet et bonnet blanc !



6 janvier 2007

Prospectus avec photos et dépêches d'agences

C'est la définition que je donnerais volontiers de la "presse gratuite" que je reçois en sortant du métro le matin et en le prenant le soir. Deux "journaux" du matin, Metro (ils le distribuent même dans le RER !) et 20 minutes (erreur sur le calcul, il faut 2 minutes tout au plus pour le parcourir). Le soir, c'est Direct soir, fait par Bolloré (en fait, ça sert même pas à faire des bateaux en papier, ce papier étant de trop mauvaise qualité).

J'ai essayé, en les téléchargeant sur le net, d'autres versions de ces "journaux" : Metro Morava en tchèque, Metro Directe Catalunya dans un mélande d'espagnol et de catalan. Même constat. Côté tchèque, on note quand même des éditoriaux visant à décribiliser la classe politique.

Devant l'inanité, l'actionnariat ou le partisanisme échevelé (je pense par exemple au bulletin du MEDEF qui usurpe le titre de Figaro) de la presse payante, on peut légitimement s'interroger sur la fiabilité des informations reçues...

Et que dire des blogues ? Comme le disait Françoise Giroud, "l'internet qui est un danger public puisque ouvert à n'importe qui pour dire n'importe quoi" (Nouvel observateur, 25 novembre 1999).

5 janvier 2007

F. A. S.

Trouvée grâce au blog de Farid Taha, cette saine initiative intitulée Front Anti-Steevy. Qui sont-ils ?

Le Front Anti Steevy est un mouvement de libération du service public audiovisuel de l’Etat Français.

Dans une société où la télé occupe en moyenne plus de trois heures de l’attention quotidienne du téléspectateur, nous estimons que le service public audiovisuel joue un rôle essentiel dans l’éveil des citoyens à la chose publique et aux grands problèmes qui sont ceux de notre monde.

Le divertissement sans but autre que l’abrutissement et la promotion publicitaire a trouvé sa place depuis la privatisation de TF1 et la création de M6 sur les canaux privés. Le mieux disant culturel était un leurre. Le service public doit d’autant plus affirmer sa différence et remplir son rôle.

Nous refusons catégoriquement que France Télévision accepte plus longtemps la bêtise et la propagande ultra-capitaliste de Steevy Boulay à une heure de grande écoute et dans le cadre d’une émission qui se veut divertissante.

Notre redevance ne doit pas servir à conforter les ânes bâtés dans l’idée que leur avis nous intéresse. Trop de citoyens ont des choses intéressantes à dire pour tolérer que les marchands de vide occupent le service public en plus des chaînes privées.

Nous sommes un mouvement pacifiste et nous souhaitons dans la mesure du possible que la démission inévitable de Steevy se fasse sans violence. Mais nous ne contrôlons malheureusement pas l’ensemble des éléments hostiles à Steevy. Il ne tient qu’à lui d’éviter tout débordement futur en démissionnant au plus vite. La décision lui appartient.

Le service public, tu le sers ou tu le quittes !

Excellent. Je pensais que Boulay s'écrivait avec "-et" à la fin ?

4 janvier 2007

La maleta turca

Une autre relecture en ces semaines où je ne parviens pas à trouver le temps de passer à la bibliothèque.

Un florilège d'articles parus dans la presse barcelonaise au début des années 1990.

Un style percutant, un humour acide, par exemple cette critique d'un marathon qui a provoqué d'immenses embouteillages : "Philippidès lui, au moins, comprenant la vanité de son acte, eut l'élégance de mourir"...

3 janvier 2007

Dura lex...

Je ne peux pas résister au plaisir de citer quelques lignes du blog d'Alain Mabanckou :

En ouvrant l’hebdo Marianne (du 23 décembre au 5 janvier), j’ai appris avec un sourire en coin qu’actuellement les pauvres néo-zélandais ont de gros soucis en matière de capotes parce que, d’après une filiale néo-zélandaise des préservatifs Durex, c’est en Nouvelle Zélande que les hommes posséderaient un sexe plus long que la moyenne mondiale. On devrait informer Serge Bilé de toute urgence, qu’il revoit sa Légende du sexe surdimensionné des Noirs (Ed. Le Serpent a plumes, 2005), et qu’il désigne les vrais coupables, parce que nous, nous n’avons rien à nous reprocher dans cette affaire, nous ne sommes pas de la Nouvelle Zélande !

Du coup, la filiale de Durex a mis au point un nouveau modèle de capote « très grandes tailles »... et a décidé de faire appel à des « cobayes », (ce sont des hommes, des « testeurs de préservatifs »). L’annonce de la société pour attirer les candidats est claire et nette : « Les personnes qui veulent se faire plaisir cet été et pensent posséder les qualités requises ...»
J'ai bien fait d'offrir ses Mémoires de porc épic pour Noël à un être très cher et débordant d'humour...

1 janvier 2007

Crăciun fericit şi la mulţi ani!

Bonne année aux Roumains qui rejoignent l'Union ce premier janvier. Plus nous serons d'Européens, plus nous serons forts pour faire reculer la barbarie.

Весела Коледа и честита Нова година!

Joyeux Noël et bonne année aux Bulgares qui deviennent un peu plus Européens ce premier janvier 2007. Tous ensemble, construisons l'Europe des peuples !

Bonne année mon amour

Musique de ma vie ô mon parfum ma femme
Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme
Musique de ma vie ô mon parfum ma femme

Entre dans mon poème unique passion
Qu'il soit uniquement ta respiration
Immobile sans toi désert de ton absence
Qu'il prenne enfin de toi son sens et sa puissance
Il sera ce frémissement de ta venue
Le bonheur de mon bras touché de ta main nue
Il sera comme à l'aube un lieu de long labour
Quand l'hiver se dissipe et l'herbe sort au jour

Musique de ma vie ô mon parfum ma femme
Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme
Musique de ma vie ô mon parfum ma femme

Entre dans mon poème où les mots qui t'accueillent
Ont le palpitement obscur et doux des feuilles
Où t'entourent la fuite et l'ombre des oiseaux
Et le cheminement invisible des eaux
Tout t'appartient Je suis tout entier ton domaine
Ma mémoire est à toi Toi seule t'y promènes
Toi seule va foulant mes sentiers effacés
Mes songes et mes cerfs t'y regardent passer

Musique de ma vie ô mon parfum ma femme
Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme
Musique de ma vie ô mon parfum ma femme

Que je n'entende plus qu'en moi ce coeur dompté
Assieds-toi c'est le soir et souris c'est l'été
Du jardin que les murs de tous côtés endiguent
Où l'ombre a la senteur violente des figues
Mais déjà c'est ta lèvre et ce couple c'est nous
C'est toi le clair de lune où je tombe à genoux
Et la terrasse y tremble et la pierre se trouble
Étoiles dans ma nuit ma violette double

Musique de ma vie ô mon parfum ma femme
Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme
Musique de ma vie ô mon parfum ma femme

(Louis Aragon)